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Démarche

Démarche

Contrer le temps

De par la nature particulière de notre perception et de notre conscience, nous avons pris nos distances avec le présent, sa matérialité, la somptuosité de son déploiement.

Les images sont alors pour moi des armes dans le combat donquichottesque que nous menons pour soustraire le présent au pouvoir dissolvant du temps. Textures, couleurs, formes fermes ou indécises de l’insaisissable réel, voilà que les images les figent et nous les restituent.

Nos images sont factices, certes, elles sont codées, trafiquées, soumises aux règles de notre art et de notre technique. Mais elles n’en sont pas moins, paradoxalement, marquées du sceau de l’authenticité. Elles produisent du sens, de la beauté, elles s’accordent à notre désir.

Me fascine aussi cet autre paradoxe. Alors que les photographies représentent prétendument des fragments du monde extérieur, il m’arrive plutôt d’y retrouver avec étonnement ce qui sommeille en moi, en nous : paysages perdus de l’enfance, formes archétypales vrillées au corps, à l’inconscient.

Moments de grâce que ceux-là, où la claire frontalité du présent éveille au plus obscur de soi les premiers émois d’exister, d’être là.

Poésie

La création d’images photographiques – que je pratique depuis une vingtaine d’années dans le cadre des nouvelles technologies – s’est inscrite tout naturellement dans la continuité d’une constante activité d’écriture poétique.

On a dit souvent de mes images qu’elles sont « poétiques ». Je ne suis pas certain de la signification de ce qualificatif appliqué aux images. Mais je dois reconnaître, au type particulier d’énergie qui préside à leur création, puis à la façon dont je les perçois par la suite, que mes images peuvent être perçues, en effet et pourquoi pas, comme des poèmes.

Technologies

L’apparition des technologies numériques en photographie a représenté pour moi une bénédiction.

Dans tout processus de production d’images photographiques, on peut clairement distinguer un avant et un après le « clic », cet instant précis de la prise de vue. Avec la photographie analogique, les possibilités d’intervention sur l’image en chambre noire étaient somme toute limitées. Tout ou presque – il existe des exceptions – se jouait donc avant et au moment du « clic ».

La venue du numérique a changé cet état de fait. Dorénavant, le photographe dispose d’outils puissants lui permettant d’agir résolument sur le matériel visuel une fois celui-ci produit par l’appareil.

On a souligné que ce nouveau pouvoir était potentiellement dangereux, que les possibilités accrues d’altérer les images photographiques remettaient en cause leur crédibilité, leur authenticité. Je préfère y voir au contraire, pour l’artiste, une spectaculaire libération des contraintes et limites inhérentes à la vieille technologie analogique.

Abstraction

Le début du XXe siècle a vu naître la peinture abstraite, annoncée il est vrai par les pratiques des peintres du XIXe, voire d’avant.

Évidemment, les artistes photographes de l’époque ne demeurèrent pas insensibles à cette extraordinaire révolution. Certains commencèrent à créer des images dont les sujets représentés – les référents – étaient difficilement identifiables, voire pas du tout. En deçà de sa fonction de représentation, l’image revendiquait donc son pouvoir propre. Par sa composition, ses formes, ses volumes, ses lignes, ses textures, ses lumières et ses ombres avant tout, elle permettait d’exprimer, de suggérer, d’évoquer le mystère, de générer du sens, de susciter l’émotion, de véhiculer la beauté.

Par la suite et jusqu’à ce jour, la photographie abstraite n’a jamais cessé d’exister. Ni d’influencer fortement ma production. Je n’hésite donc pas à me situer dans cette mouvance, à revendiquer ce riche héritage.